Mon changement de nature n'avait pas été sans conséquences. Oui j'avais nui à certaines personnes depuis, mais j'étais jeune, naïve, influençable. Je devais encore apprendre bien des choses sur ce monde, et je n'étais pas encore clairement alignée, même si mon statut de vampire me faisait clairement pencher du côté du mal. Aussi, tuer des gens pour boire leur sang n'était pas très... Bénéfique. Je m'étais faite à l'idée, mais je gardais malgré tout une part d'humanité. Mon cœur balançait, que me dirait Anaëlle ? Que vivre était plus important qu'être une bonne personne ? Ou au contraire que je devais mourir pour mes convictions ? Mais si je me laissais mourir, ou que je me faisais volontairement tuer, ce serait rendre inutile le sacrifice de ma sœur. Alors qu'importe, je devais vivre à tout prix, peu importe si ma sœur approuve ou non.

La nuit tombée, je pus enfin quitter mon chez moi. Et j'avais faim. Mais je ne sauterais pas sur le premier venu, j'étais affamée, pas stupide. Il fallait donc que je cherche quelqu'un qui soit isolé, bien en dehors des lieux fréquentés par la populace de San Francisco. Mais le destin allait forcer les choses, lorsque cette forte odeur d'hémoglobine arriva à mes narines. Je me léchai alors instinctivement les lèvres, avant de m'approcher lentement de l'origine de cette odeur. Et mon chemin me conduisit dans un lieu peu fréquenté. Une telle odeur de sang dans un lieu isolé... Cela pouvait laisser penser à un piège. Ce fut donc prudente que j'avançai dans ce potentiel piège, attentive à tout ce qui m'entourait, prête à parer tous les coups qui viendraient. Pourtant, cela sembla faire parti d'une paranoïa qui commençait à gagner la vampire que j'étais. Une fois arrivée devant la source de sang, je ne vis qu'un homme. Seul. Blessé. Vulnérable. Mais peut-être était-ce ce qu'il voulait, que je lui saute dessus pour qu'il puisse profiter de ma proximité pour me poignarder droit au cœur. Ou que quelqu'un d'autre surgisse pour le faire dans mon dos. Il fallait donc que je reste prudente.

- Vous êtes blessé. Vous auriez dû aller à l'hôpital.

Je ne connaissais pas les origines de ses blessures. Mes yeux explorèrent les alentours, personne ne semblait être là. Je gardais mes mains dans mes poches. Cette odeur, c'était difficile d'y résister, mais j'aimerais quand même en savoir plus sur lui avant d'en faire mon dîner. La question était simple: tiendrais-je jusqu'à ce qu'il m'ait raconté ce qui lui était arrivé, ou ma soif de sang prendrait-elle le dessus ? Mon regard fixait le bras blessé. Mes doutes semblèrent se dissiper, il ne se serait clairement pas infligé ça volontairement seulement dans le but de piéger un vampire. Ou alors il n'était pas très sain d'esprit... Je m'approchai alors de lui.

- Votre sang continue de couler. Peut-être que je peux vous aider à ce sujet.

Un sourire sur mes lèvres, les masques tombèrent plutôt rapidement. Le mien, en tout cas... Quand ça comprenait du sang, mes doutes sur ma nature étaient jetés tout au fond de mon subconscient, surtout dans la situation actuelle, la prédatrice prenait le dessus.

L'homme en face de moi était vraiment en sale état. Au point que j'en venais à me demander comment il avait bien pu se faire ça. Mais la priorité actuelle, c'était de savoir si oui ou non j'allais pouvoir me nourrir de lui. A première vue, le "oui" l'emportait, mais si ça se trouvait ces blessures n'étaient que pure stratégie pour me pousser à avancer pour en suite me poignarder en plein cœur. Au fond, les gens pouvaient se montrer plus vicieux qu'un vampire, je le savais, et pourtant je n'avais pas laissé planer le mystère sur ma nature. Il fallait avouer, le sang que je pouvais voir me donnait tellement faim...

Les tatouages auraient dû m'avertir, mais je ne connaissais pas leur signification. Des gens qui se promenaient avec toutes sortes de tatouages sur eux, il en existait bien des variantes. Et puis, un tatouage restait un tatouage. L'homme, quant à lui, restait assez muet, il ne réagissait pas à mes propos, mais il continuait à se vider de son sang... J'avais tellement envie de l'y aider ! Je m'approchai, sans doute trop confiante - après tout, il était blessé, il ne saurait pas se défendre, n'est-ce pas ?-, prête à mettre fin à ses jours et prendre ma dose de sang du soir par la même occasion. Cela dit, il dégaina une sorte de dague ce qui eut pour effet de me stopper net, craignant alors que ce ne soit un pieu en bois. Cela dit, je constatai bien vite qu'il ne s'agissait pas de bois. Quelle matière je l'ignorais, mais clairement pas ce qui était fatal aux vampires.  Il me somma alors de retourner d'où je venais.

- Je pourrais, mais tu as vu mon visage, tu crois que je peux te laisser partir ?

Là, j'étais on ne peut plus sérieuse. Si je le laissais partir, il aurait tout le loisir d'aller raconter à qui voudrait bien l'entendre qu'il avait croisée une vampire et qu'il se souvenait de son visage. Certains le prendraient pour un idiot, mais il pourrait y avoir des oreilles attentives qui m'attireraient des ennuis. Alors que sa blessure ne semblait pas s'arrêter de saigner, j'entrepris de le désarmer. Un coup dans son bras, j'espérais ainsi le forcer à lâcher son arme. Si je parvenais à faire tomber cette dague, il serait réellement sans défense, et je pourrais alors me jeter sur lui pour réclamer mon dû.