début novembre 2030

J'aimais être auteur. Vraiment. Et je me sentais chanceuse d'avoir pu en faire mon métier et d'avoir obtenu une certaine renommée qui me permettait d'en vivre. Enfin c'était ce que je ressentais en général. Mais à cet instant précis, dans cette salle bondé, ce n'était pas le sentiment de gratitude qui me venait à l'esprit. C' était plutôt l'envie de fuir, de retourner chez moi. Mais mon éditeur ne m'avait pas vraiment laissé le choix. Nombreuses étaient les soirées mondaines que je pouvais esquiver d'ordinaire. Hélas, la soirée caritative du Bay Mirror n'était pas de celles qu'on pouvait refuser. J'allais devoir y participer, et avec le sourire en prime. La motivation n'y était cependant pas. La dernière fois que j'avais participé à une soirée mondaine, c'était à celle de la Saint-Valentin et au vu de ce qui s'y était passé, je n'en gardais pas un meilleur souvenir.
Mais soite, si mon métier m'imposer de participer un minimum à la vie mondaine de cette ville, j'allais m'y plier. Et plus vite ça se terminerait. Et puis, ce soir, je n'avais pas besoin d'être Nimue Lundberg celle qu'il avait invitée, c'était l'auteur N.D. Winter. Afin de faire honneur à mon image publique d'auteur, j'avais opté pour une robe rouge sans fioritures, avec une coupe très années 50, un peu dans l'esprit "Mad Men". Et j'avais détaché mes cheveux et même mis un rouge dans une teinte similaire à celle de la robe. Au pieds, j'avais opté pour une paire de talons noirs, un classique, mais surtout c'était une paire que je réservais à ce genre de soirée, car elle était confortable et que ça restait un indémodable. Parce que dans ce genre de soirées, il fallait savoir être élégant, mais le confort restait important sachant qu'on allait souvent piétiner sur place. Ça n'en avait pas l'air, mais les mondanités, ça pouvait être sportif. Aussi bien physiquement que dans les échanges avec certaines personnalités que l'on pouvait parfois croiser. La soirée débutant, j'optais pour la technique classique de se cacher dans un coin de salle. Ça laissait le temps d'observer ceux déjà présents et ceux arrivant, histoire de jauger de l'atmosphère assez longtemps pour se préparer aux conversations qui s'engageraient plus tard. Mais je ne fus pas seule très longtemps, car déjà j'entendis une voix qui s'adressait à moi. Je tournais la tête vers sa propriétaire.

- Mon visage trahissait tant que ça le désespoir ?

Si tel était le cas, il allait falloir que je me fasse violence pour corriger ça tout de suite et améliorer mon mode "représentation publique". D'ordinaire, j'étais bien meilleure que ça pour ne pas faire transparaître l'ennui que me prodiguait ce genre de soirées. Car même si elle était labellisée "caritative", cette soirée n'en restait pas moins un classique du genre. J'avais beau avoir appris avec le temps à me roder à ces mondanités, bien malgré moi, il n'en restait pas moins que plus, je pouvais les éviter, mieux je me portais. Et aujourd'hui, ma motivation n'était pas au rendez-vous. Il faut dire que nous n'étions que quelques jours après cette étrange journée d'Halloween qui avait été un ascenseur émotionnel pour beaucoup d'entre nous. Je pris le verre qu'elle me tendit avec un sourire.

- Merci. Pour le verre. Et pour le sauvetage.

Je pris une gorgée pour me donner du courage. Il allait nous en falloir. Mais au moins, nous serions deux. Deux contre tout ce monde, ça ne semblait pas des plus équitables. Pour nous.